Les oubliées de l’Histoire

09 décembre 2025

Pendant des siècles, l’Histoire s’est écrite avec un prisme étroit : celui des hommes. Dans les manuels, les musées, les récits officiels, les femmes apparaissent en filigrane, souvent réduites à des rôles secondaires ou effacées derrière des noms masculins. Pourtant, elles étaient là. Elles ont créé, innové, dirigé, résisté. Elles ont changé le cours des choses – mais leurs traces ont été reléguées dans les marges.

Cette invisibilité n’est pas un hasard : elle est le fruit d’un système qui a longtemps décidé qui méritait la lumière et qui devait rester dans l’ombre. Et cette ombre ne concerne pas seulement le passé. Aujourd’hui encore, dans les sciences, l’art, les médias, ou même dans nos vies quotidiennes, la reconnaissance des femmes reste fragile. 

Et cela s’empire avec l’âge, être femme et âgée, c’est la double peine.

Mais les lignes bougent. Des historiennes, des journalistes, des artistes, des citoyennes exhument les archives, corrigent les manuels, ouvrent des musées dédiés aux femmes. 

Faisons la lumière sur toutes ces femmes qui, hier et aujourd’hui, méritent d’être vues, entendues, reconnues.

Anne et Charlotte, qui se mettent en lumière mutuellement

LA PENSÉE DU JOUR

TEST & NOLD

Trois femmes, trois cerveaux, trois ombres


Il y a quelques temps, nous avons regardé le film de Theodore Melfi, Hidden Figures (Les Figures de l’ombre). Et nous nous sommes faites embarquer (littéralement, pas dans une fusée, on laisse ça à la NASA ;-)), mais dans une histoire qu’on ne connaissait que de très loin…

Le film se déroule dans les années 50, en pleine Guerre froide. Les Américains travaillent à la guerre spatiale dans des salles pleines d’hommes blancs en chemises blanches, avec au fond… des femmes noires reléguées à des bureaux à part, des toilettes à part.

Et pourtant, ce sont elles qui vont changer l’histoire :

Katherine Johnson calcule les trajectoires à la main et personne n’ose appuyer sur le bouton « décollage » avant qu’elle ait vérifié.

Mary Jackson devient en 1958 la première femme noire ingénieure à la NASA, après avoir dû obtenir une autorisation spéciale pour suivre des cours réservés aux Blancs. Elle y mènera des recherches pionnières sur l’aérodynamique des avions supersoniques, en analysant la pression de l’air sur les fuselages pour optimiser leur vitesse et leur stabilité. Plus tard, elle s’engagera pour aider d’autres femmes et minorités à progresser dans les carrières scientifiques.

Dorothy Vaughan, cheffe sans titre, sent venir l’ordinateur et forme toutes ses collègues au langage FORTRAN avant que les hommes aient compris à quoi ça servait.

Trois femmes qui ont contribué à envoyer des hommes sur la Lune… mais qui, elles, sont restées clouées au sol de la reconnaissance.

Et leur histoire n’est pas une exception. Pendant longtemps, dans l’art, la littérature, les sciences, le projecteur s’est braqué sur les hommes. Les femmes, elles, restaient dans l’ombre.

Mais les choses changent.

On commence à retrouver les œuvres, exhumer les archives, corriger les manuels. Des institutions mettent enfin à l’honneur des figures longtemps oubliées (on peut par exemple penser au FAMM, le premier musée en France et l’un des tous premiers d’Europe, entièrement dédié aux femmes artistes qui a ouvert ses portes le 21 juin dans les Alpes-Maritimes). La visibilité des femmes dans les musées, les médias ou les sciences progresse lentement, mais sûrement. Pourquoi maintenant ? Parce que des historiennes, des journalistes, des artistes et des citoyennes s’en emparent. Parce qu’on questionne enfin qui écrit l’Histoire et pourquoi. Parce que l’envie de rééquilibrer le récit collectif est là – et qu’elle commence à faire du bruit.

JUST NOLD IT

Comment peut-on participer à ouvrir les yeux sur les invisibles ?
Quand on sort du film, on a envie de se lever de son canapé et d’écrire un nouveau manuel d’histoire. Mais comme on n’a pas tous un contrat chez Hachette ou Gallimard, on peut commencer plus petit 😉

Ouvrir les yeux sur les invisibles, ça commence souvent par des gestes simples, mais qui ont un pouvoir d’onde.

Ça peut être de partager celles et ceux qui comptent en reconnaissant leurs contributions // reconnaître et raconter : Ne pas dire « ma voisine », mais « Nora, ma voisine qui a tenu tout l’immeuble pendant le confinement ». Ne pas dire « le médecin », mais « Docteure Nguyen, qui m’a sauvé la mise à 2h du matin ». Quand on nomme, on reconnaît. Partager une œuvre, un texte, un nom : Hilma af Klint, Katherine Johnson, ou votre tante Micheline qui a tenu sa boîte à bout de bras dans les années 80. Les rendre visibles, c’est refuser que l’histoire continue de passer à côté d’elles.

Ça peut être aussi de prendre le temps de transmettre une histoire. Dans nos familles, combien de femmes ont vécu mille vies sans jamais avoir laissé de traces ? Et combien d’entre elles ne demandaient qu’une chose : qu’on les écoute un soir, autour d’un café ou d’un verre de vin, pour que leur récit ne s’éteigne pas avec elles ?

Ouvrir les yeux, c’est aussi oser parler de nous-mêmes. Parce qu’on le sait bien : passé un certain âge, surtout quand on est une femme, on glisse dans une drôle de zone grise où l’on devient moins visible, moins audible, presque décorative. L’âgisme, c’est ça : une autre forme d’ombre. En prendre conscience, c’est déjà commencer à fissurer le mur.

On ne vous dit pas qu’il faut se transformer en militantes permanentes de la mémoire. Mais chacun, à sa façon, peut ouvrir un projecteur, même petit. Et si l’on s’y met tous, ça peut finir par éclairer beaucoup plus large.

Parce que ce qui rend visible, ce n’est pas seulement le cinéma ou les livres d’histoire : c’est aussi nous, dans nos conversations, nos transmissions et nos choix de mémoire

POUR ALLER PLUS LOIN

Ecouter Aretha Franklin chanter « Respect » d’Otis Redding, transformée en cri d’indépendance féminine.

Regarder ce court documentaire sur Judith Lester, une artiste spoliée.

Lire ou relire Culottées

Découvrir 6 femmes qui ont changé le monde mais que l’on a jamais croisées dans nos manuels scolaires

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1 Comments.

  1. Dans le monde pro, les femmes doivent encore en faire 10x plus pour être reconnues 2x moins.
    Personnellement, je n’ai connu que ça. Comme je n’ai aucun problème avec la prise de parole, on me laisse souvent parler puis, un peu après, un homme reprend mes propos pour son compte. Et tout le monde (y compris les femmes souvent) trouve ça très bien !
    Parfois, j’en parle en famille ou avec des amis et on me dit que c’est parce que je fais peur ou que je suis trop ceci ou cela … bref, c’est ma faute.

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