
C’est à la faveur d’une grève sur notre radio matinale que la chanson “Push me” de Philippe Katerine et Laura Perrudin nous a réveillées avec cette question : “Êtes-vous satisfait de la propreté des toilettes aujourd’hui ?” Suivaient des interrogations tout aussi cruciales : “Êtes-vous satisfait du livreur de votre colis ?”, “Comment jugez-vous notre service de traitement des déchets ?”
Bienvenue dans l’ère du “feedback” (encore un mot qui n’a pas son équivalent en français) permanent. Tout le monde est noté. Tout le monde note. Comme si le monde entier était devenu une immense interface client. Aujourd’hui, on commence à considérer les dangers et les limites de cette notation à tout va. Google, par exemple, vient de décider de supprimer la possibilité de noter les établissements scolaires. Pas parce que le feedback est inutile, mais parce qu’il est important de bien savoir ce que l’on note précisément et dans le cas des écoles, les commentaires servaient plutôt de défouloir à des parents et ados mécontents.
L’évaluation n’est pas un problème. Ce qui l’est, c’est son automatisme, sa superficialité et sa généralisation à tous les pans de l’existence. À force de tout noter, on finit par tout réduire. Et si, justement, on apprenait à replacer l’évaluation à sa juste place ? Non pas comme une fin en soi, mais comme un outil de progrès, de dialogue, de lien ?
Anne et Charlotte, qui se servent de vos avis constructifs pour s’améliorer
LA PENSÉE DU JOUR

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TEST & NOLD
Dans notre société de la transparence, tout doit être visible, quantifiable et mesurable, y compris nos émotions et nos relations humaines. La philosophe Martha Nussbaum offre une perspective nuancée sur la nature des émotions et leur impact sur notre bien-être et nos interactions sociales. Ainsi, elle distingue les émotions centrées sur soi (satisfaction, frustration, colère) des émotions tournées vers les autres (joie, compassion, gratitude). Dans un monde obsédé par l’expérience utilisateur, ce sont souvent les premières qui dominent.
Dans de nombreux cas, cela est pourtant bien utile en tant que client de trouver des avis sur un restaurant ou un hôtel… C’est aussi l’opportunité pour les propriétaires d’améliorer leur offre. Même chose concernant les avis sur les produits électroniques qui aident à en savoir plus sur la qualité, la durabilité et les performances. Plus largement, donner ou recevoir un avis ou retour bienveillant de la part d’un proche peut nous faire grandir et nourrir une relation de confiance.
Le véritable problème réside dans l’excès :
Quand on évalue par réflexe, sans réaliser les conséquences.
Quand la note devient plus importante que le dialogue et la relation.
Quand chaque moment de vie est transformé en formulaire de satisfaction.
Quand cela est fait sans bienveillance
Quand une note est prise sans analyse
En somme, l’évaluation doit rester un outil au service de l’amélioration et du lien, et non devenir une fin en soi.

TEST & NOLD
Comment faire un bon usage de l’évaluation ?
1. Revenir à l’intention :
Avant de demander “êtes-vous satisfait ?”, demandons : “Pourquoi je pose la question ?”
Pour apprendre ? Pour progresser ? Ou juste pour cocher une case ?
Quand c’est vous qui évaluez : “Quelle est l’utilité de mon commentaire ?” “Quel en est l’impact ?” “Cela va-t-il servir à d’autres ou cela est-il juste gratuit ?”
2. Etre factuel et bienveillant
Une remarque précise et constructive vaut mieux qu’un 3,8/5. Un retour détaillé ouvre la discussion. Une note, parfois, la clôt. Il est très important d’étayer un avis avec des éléments factuels.
3. Sortir du réflexe
Non, chaque interaction n’a pas besoin d’un formulaire. Parfois, il suffit d’un regard, d’un merci, ou d’un sourire. Parfois il est préférable de se taire.
4. Voir plus grand que soi
La satisfaction personnelle est précieuse, mais elle ne doit pas nous couper du collectif. Ce qui est bon pour “moi” doit aussi faire sens pour “nous”.
Et au-delà de tout ça, accepter que tout ne se mesure pas : l’entraide, l’écoute, la joie d’être ensemble… Ces choses-là ne rentrent pas dans une grille. Et pourtant, ce sont elles qui nous rendent vivants.

POUR ALLER PLUS LOIN
Lire l’article qui explique pourquoi Google arrête de noter les établissements scolaires