
Dans les années 70, on était plutôt poilus, en tout cas chevelus. Puis, dans les années 90, l’épilation intégrale a frappé fort, portée par la pornographie, la mode et une obsession pour le contrôle de soi. Aujourd’hui, le poil tente un retour en grâce. Mais est-ce vraiment une révolution ou juste un autre effet de mode ?
Depuis la nuit des temps, nous entretenons une relation ambivalente avec nos poils. À l’Antiquité, on les rasait déjà : en Égypte, hommes et femmes s’enduisaient de cire à base de sucre et de citron (un ancêtre du « sugaring », l’épilation au sucre), tandis que les Romains utilisaient des coquillages tranchants comme rasoirs. Plus tard, sous Louis XIV, la barbe se raréfie et les perruques s’imposent, tandis que les dames aristocrates s’épilent les sourcils à la chaux vive pour agrandir leur front. Mais au XIXe siècle, la barbe devient un symbole de virilité absolue… avant que le XXe siècle ne remette tout en question.
Aujourd’hui, les codes esthétiques se brouillent. Certains revendiquent le droit au poil, d’autres continuent de le traquer, et beaucoup oscillent entre les deux, selon l’énergie du moment. Après tout, se raser ou pas n’a jamais été une décision figée : c’est une question d’époque, de culture… et parfois de flemme.
Anne et Charlotte, un poil circonspectes sur le sujet…
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TEST & NOLD
POILS ET MODES : UNE HISTOIRE DE VA-ET-VIENT
Nos ancêtres ne se sont jamais vraiment mis d’accord sur l’utilité du poil. Un signe de virilité ? Un vestige préhistorique inutile ? Un marqueur social ? Tout dépend de l’époque et du lieu.
Dans l’Antiquité, se raser est une question de classe. Les Égyptiens et les Grecs se débarrassent de leurs poils pour des raisons d’hygiène, mais aussi de distinction sociale : un corps glabre signifie qu’on appartient à une élite raffinée, contrairement aux esclaves et aux barbares hirsutes. Chez les Romains, on va même jusqu’à raser les jeunes hommes lors d’une cérémonie de passage à l’âge adulte.
Au Moyen Âge, le poil est contrasté. Les hommes portent barbe et moustache sans trop se poser de questions, et côté féminin, l’épilation concerne surtout le visage : on arrache les sourcils et la racine des cheveux pour dégager le front, idéal de beauté du moment.
Sous la Renaissance et jusqu’au XVIIIe siècle, le poil facial masculin fluctue, entre aristocrates imberbes et mousquetaires moustachus. Le corps, lui, reste couvert sous de multiples couches de vêtements, rendant la pilosité moins visible et donc moins sujette à débat.
Le vrai tournant arrive avec le XXe siècle et la révolution de la mode féminine. La jupe se raccourcit, les bras se découvrent… et les poils deviennent indésirables. En 1915, Gillette lance le premier rasoir pour femmes, suivi par une campagne marketing agressive qui fait du poil un « problème à régler ». Depuis cette époque, étonnamment, il est plus cher d’acheter un rasoir rose qu’un rasoir bleu 🙃
Aujourd’hui, le vent tourne. Des figures médiatiques affichent fièrement leurs poils sur les réseaux sociaux, et certaines tendances (comme le retour de la barbe chez les hommes) montrent un certain retour au naturel. Pourtant, l’industrie de l’épilation et du rasage pèse toujours des milliards. Alors, effet de mode ou vraie évolution ? L’avenir nous le dira… ou notre prochain coup de flemme.

EXTRAIT DU ROMAN ''PHOTOSYNTHÈSES'' DE CAMILLE CORNU - EDITIONS CAMBOURAKIS 2024
“Au début de l’adolescence je ne supportais pas mes poils, je passais des heures à les épiler. Je ne sais plus ce que je combattais. Aujourd’hui, je les trouve tellement beaux. Le genre de beauté solide, qui rassure et qui ancre. C’est comme la terre. Le paysagisme des années 1980 s’acharnait à laisser la terre nue autour des plantes. On appelait ça faire propre, on mettait du roundup. […] Pourtant, je peux aimer les peaux épilées de certaines personnes, j’aime la capacité de modifier son corps et d’en choisir l’image.”

POUR ALLER PLUS LOIN
Lire l’« Histoire du poil« de Marie-France Auzépy & Joël Cornette, un essai qui explore la signification du poil à travers les siècles