
À chaque époque, ses peurs : au Moyen Âge, on craignait les sorcières et les dragons. Dans les années 50, c’était la bombe atomique. Aujourd’hui, c’est plutôt le changement climatique, l’IA et les hommes politiques imprévisibles… Nos peurs suivent les évolutions de la société. Elles révèlent nos priorités collectives et nos obsessions.
A titre individuel, la peur, c’est aussi notre alarme interne, une émotion programmée pour détecter les dangers et sauver sa peau. Quand notre cerveau perçoit une menace, un bruit étrange, un regard méfiant, l’amygdale (la tour de contrôle de la peur) envoie un signal d’alerte : adrénaline, accélération du cœur, préparation à l’action.
Le problème, c’est que notre alarme n’est pas toujours bien réglée. Ce qui était utile pour échapper à un tigre à dents de sabre devient encombrant dans une salle de réunion quand le chef vous fixe un peu trop longtemps. Résultat : la peur peut nous tétaniser et nous empêcher de réagir.
Mais si la peur peut saboter nos projets et nos désirs, elle est aussi la gardienne de notre sécurité et nous permet aussi d’avancer. C’est elle qui nous pousse à vérifier deux fois si on a bien fermé la porte ou à réviser avant un examen. Bref, la peur est à la fois notre bouclier et notre frein… tout est une question d’équilibre.
Et puis la peur n’est pas toujours dûe à un élément extérieur : la peur, c’est aussi celle qui nous renvoie à nos choix et aux décisions difficiles à prendre.
Anne et Charlotte, sans peur (presque) et sans reproche (presque)
LA PENSÉE DU JOUR

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Et si la peur ne venait pas toujours de l’extérieur ?
Dans L’Être et le Néant (1943), Sartre décrit un promeneur qui marche sur un chemin étroit longeant un précipice. Dans cette situation, la peur ne vient pas tant du risque objectif de tomber (par un glissement ou un accident), mais de la possibilité de se jeter volontairement dans le vide. Ce vertige n’est donc pas simplement une peur de l’accident, mais une confrontation directe avec notre propre liberté.
Selon Sartre, ce vertige face au vide révèle quelque chose d’essentiel : nous sommes absolument libres, mais cette liberté est aussi une source d’angoisse. Car cette liberté nous confronte à la responsabilité de nos choix. Si je m’approche du bord, rien ni personne ne m’empêche de sauter, si ce n’est ma propre volonté. Cette responsabilité immense peut nous paralyser : nous ne sommes pas seulement soumis aux lois physiques ou aux dangers externes, mais aussi à nos propres décisions, qui pourraient nous mener vers des extrémités.
Pour Sartre, l’angoisse est une composante inévitable de l’existence humaine, car elle découle de notre condition d’êtres libres. Cette liberté est à la fois une bénédiction et un fardeau. Le vide, en nous mettant face à cette possibilité absolue de choisir entre la vie et la mort, devient une image puissante de cette tension existentielle.
La peur : une histoire personnelle ou collective ?
Si Sartre perçoit la peur comme une angoisse liée à notre liberté et à notre responsabilité individuelle, un autre philosophe, Derrida, interroge la peur comme une expérience collective, marquée par l’incertitude et le rapport à l’Autre.
– La peur de l’Autre : Derrida montre que nos sociétés construisent des figures de l’Autre comme sources d’angoisse (immigrés, étrangers, technologies nouvelles, etc.). Cette peur est souvent instrumentalisée par le pouvoir pour maintenir un contrôle sur les individus et justifier des politiques d’exclusion ou de domination. Contrairement à la position sartrienne, cette peur n’est pas universelle, mais dépend des structures culturelles et politiques dans lesquelles elle se manifeste.
– La peur de l’avenir : Derrida insiste sur la peur de ce qui est incertain et imprévisible. Dans un monde où tout est en mutation, la peur devient une réponse à l’impossibilité de prévoir ou de contrôler l’avenir. Alors que Sartre situe la peur dans le moment présent de la décision, Derrida la relie au temps et à notre incapacité à maîtriser ce qui vient.
– La peur et le langage : Derrida explore aussi comment la peur est inscrite dans le langage. Il souligne que les mots, les concepts et les symboles peuvent eux-mêmes générer de la peur. Par exemple, les discours politiques ou médiatiques amplifient la peur en désignant des ennemis ou des menaces, ce qui renforce des schémas de domination.
Alors que Sartre voit dans la peur un obstacle potentiel à l’action (se jeter ou ne pas se jeter dans le vide), Derrida invite à penser la peur autrement : comme une opportunité d’ouverture à l’inconnu. Pour lui, affronter nos peurs (de l’Autre, de l’avenir, de la mort) est une manière de repenser notre rapport au monde et aux autres. Cette peur, au lieu de nous paralyser, peut devenir une source de déconstruction, nous obligeant à remettre en question nos certitudes et nos systèmes de pensée.

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6 TECHNIQUES POUR FAIRE FACE À SES PEURS
4. Le journal de bord
Notez vos peurs régulièrement. « Aujourd’hui, j’ai eu peur de… » Puis ajoutez ce qui s’est réellement passé. 90 % des craintes ne se concrétisent jamais. En voyant cela noir sur blanc, votre cerveau apprendra à moins vous alerter pour rien.
5. S’exposer progressivement
Fuir une peur ne fait que la renforcer. Si vous craignez de conduire sur autoroute, commencez par des petits trajets. Si vous redoutez les araignées, commencez par regarder des images, puis approchez-vous doucement (sans les adopter comme animal de compagnie). Chaque petite victoire désactive peu à peu l’alarme.
6.Chercher du renfort
Parfois, nos peurs sont bien accrochées. En parler à un ami ou un thérapeute aide à les désamorcer.

2 Comments.
Merci, qui n’a pas de peurs ? Même bien cachées ! Approche très intéressante et intelligente. Cela fait du bien de trouver aussi de belles choses sur la toile. Donc je le redis : merci
Vous etes 👍👍